« Quand j’entends la chanson “You’re Still the One” de Shania Twain, cela me transporte comme par magie vers l’annĂ©e de mes 15 ans. Je me vois sur le PC de mon père, après…
« Quand j’entends la chanson “You’re Still the One” de Shania Twain, cela me transporte comme par magie vers l’annĂ©e de mes 15 ans. Je me vois sur le PC de mon père, après qu’il ait tentĂ© de mettre fin Ă ses jours. Il avait Ă©coutĂ© cet album peu avant sur son ordinateur et j’ai lancĂ© le titre pendant que je rangeais ses dossiers. Chaque fois que j’entends cette chanson, je voyage dans le passĂ© – la tristesse et la colère remontent Ă la surface. »
Ainsi tĂ©moigne l’un des participants Ă nos recherches sur les pouvoirs de la musique.
Les pouvoirs de stimulation de la mĂ©moire et les effets thĂ©rapeutiques de la musique font l’objet d’une fascination renouvelĂ©e. Cette rĂ©surgence peut ĂŞtre principalement attribuĂ©e aux rĂ©centes avancĂ©es de la recherche neuroscientifique, qui ont confirmĂ© les propriĂ©tĂ©s thĂ©rapeutiques de la musique, telles que la rĂ©gulation Ă©motionnelle et l’engagement. Cela a conduit Ă une intĂ©gration croissante de la musicothĂ©rapie (La musicothĂ©rapie est une des composantes de l’art-thĂ©rapie qui consiste Ă utiliser…) dans les traitements conventionnels de la santĂ© mentale (La santĂ© mentale est un terme relativement rĂ©cent et polysĂ©mique. Habituellement…).
Il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que de telles interventions musicales aident les personnes atteintes de cancer, de douleur chronique et de dĂ©pression. Les consĂ©quences du stress, telles que l’Ă©lĂ©vation de la tension artĂ©rielle et la tension musculaire, peuvent Ă©galement ĂŞtre attĂ©nuĂ©es par le pouvoir de la musique.
En tant que mĂ©lomane de longue date et neuroscientifique, je pense que la musique a un statut spĂ©cial parmi tous les arts en termes d’ampleur et de profondeur de son impact sur les gens. L’un des aspects essentiels est son pouvoir de rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire autobiographique, qui fait rĂ©-Ă©merger des souvenirs souvent très personnels d’expĂ©riences passĂ©es. Nous pouvons tous raconter un cas oĂą une mĂ©lodie nous a transportĂ©s dans le passĂ©, ravivant des souvenirs et les imprĂ©gnant souvent d’une gamme d’Ă©motions puissantes.
Mais l’amĂ©lioration de la mĂ©moire peut Ă©galement se produire chez les patients atteints de dĂ©mence, pour qui l’impact transformateur de la musicothĂ©rapie ouvre parfois une fenĂŞtre sur des souvenirs, qu’il s’agisse d’expĂ©riences chères de l’enfance, d’arĂ´mes et de saveurs de la cuisine maternelle, d’après-midi d’Ă©tĂ© passĂ©s en famille ou de l’atmosphère et de l’Ă©nergie d’un festival de musique.
On a pu le constater avec cette vidĂ©o virale, rĂ©alisĂ©e par l’AsociaciĂłn MĂşsica para Despertar, qui mettrait en scène la ballerine hispano-cubaine Martha González Saldaña (bien qu’il y ait eu une certaine controverse au sujet de son identitĂ©). La musique du Lac des cygnes de TchaĂŻkovski semble rĂ©activer des souvenirs chers et mĂŞme des rĂ©actions motrices chez cette ancienne danseuse Ă©toile, qui est amenĂ©e Ă rĂ©pĂ©ter certains de ses anciens mouvements de danse devant la camĂ©ra.
Le Lac des cygnes de Tchaïkovski semble réactiver des réponses motrices inutilisées depuis longtemps chez cette ancienne ballerine.
Dans notre laboratoire de l’universitĂ© de Northumbria, nous cherchons Ă exploiter ces rĂ©centes avancĂ©es neuroscientifiques pour approfondir notre comprĂ©hension du lien complexe entre la musique, le cerveau et le bien-ĂŞtre mental. Nous voulons rĂ©pondre Ă des questions spĂ©cifiques telles que la raison pour laquelle la musique triste ou douce-amère joue un rĂ´le thĂ©rapeutique (La thĂ©rapeutique (du grec therapeuein, soigner) est la partie de la mĂ©decine qui…) unique pour certaines personnes, et quelles parties du cerveau elle « touche » par rapport Ă des compositions plus joyeuses.
Les outils de recherche avancĂ©e tels que les moniteurs d’Ă©lectroencĂ©phalogramme (EEG) Ă haute densitĂ© nous permettent d’enregistrer la façon dont les rĂ©gions du cerveau « parlent » entre elles en temps rĂ©el lorsqu’une personne Ă©coute une chanson ou une symphonie. Ces rĂ©gions sont stimulĂ©es par diffĂ©rents aspects de la musique, de son contenu Ă©motionnel Ă sa structure mĂ©lodique, de ses paroles Ă ses schĂ©mas rythmiques.
Bien entendu, la façon dont nous rĂ©agissons Ă la musique est profondĂ©ment personnelle, c’est pourquoi notre recherche nĂ©cessite Ă©galement que les participants Ă l’Ă©tude dĂ©crivent ce qu’ils ressentent Ă l’Ă©coute d’un morceau de musique particulier, y compris sa capacitĂ© Ă encourager une profonde introspection et Ă Ă©voquer des souvenirs significatifs.
Ludwig van Beethoven a proclamĂ© un jour: « La musique est une entrĂ©e incorporelle dans le monde supĂ©rieur de la connaissance qui comprend l’humanitĂ© mais que l’humanitĂ© ne peut pas comprendre ». Avec l’aide des neurosciences, nous espĂ©rons contribuer Ă changer cela.
Une brève histoire de la musicothérapie
Les origines de la musique sont très anciennes, antĂ©rieures au langage et Ă la pensĂ©e rationnelle. Ses racines remontent Ă l’ère palĂ©olithique, il y a plus de 10 000 ans, lorsque les premiers hommes l’utilisaient pour communiquer et exprimer leurs Ă©motions. Les dĂ©couvertes archĂ©ologiques comprennent d’anciennes flĂ»tes en os et des instruments de percussion fabriquĂ©s Ă partir d’os et de pierres, ainsi que des marques indiquant l’endroit qui sonne le mieux dans une grotte et mĂŞme des peintures reprĂ©sentant des rassemblements musicaux.
Au cours de l’ère nĂ©olithique qui a suivi, la musique a connu un dĂ©veloppement important dans le monde entier. Des fouilles ont permis de dĂ©couvrir divers instruments de musique, notamment des harpes et des instruments de percussion complexes, soulignant l’importance croissante de la musique dans les cĂ©rĂ©monies religieuses et les rassemblements sociaux au cours de cette pĂ©riode, ainsi que l’apparition de formes rudimentaires de notation musicale, comme en tĂ©moignent les tablettes d’argile de l’ancienne MĂ©sopotamie, en Asie occidentale.
Les philosophes grecs de l’AntiquitĂ©, Platon et Aristote, ont tous deux reconnu le rĂ´le central de la musique dans l’expĂ©rience humaine. Platon a soulignĂ© le pouvoir de la musique en tant que stimulus agrĂ©able et curatif, en dĂ©clarant: « La musique est une loi morale. Elle donne une âme Ă l’univers, des ailes Ă l’esprit, du souffle Ă l’imagination, et le charme et la gaietĂ© Ă la vie ». De manière plus pratique, Aristote considĂ©rait que la musique avait le pouvoir de former le caractère.
Tout au long de l’histoire, de nombreuses cultures ont adoptĂ© les vertus curatives de la musique. Les anciens Égyptiens intĂ©graient la musique Ă leurs cĂ©rĂ©monies religieuses, la considĂ©rant comme une force thĂ©rapeutique. Les tribus amĂ©rindiennes, comme les Navajos, utilisaient la musique et la danse dans leurs rituels de guĂ©rison, s’appuyant sur les tambours et les chants pour promouvoir le bien-ĂŞtre physique et spirituel. Dans la mĂ©decine traditionnelle chinoise, des tonalitĂ©s et des rythmes musicaux spĂ©cifiques sont censĂ©s Ă©quilibrer l’Ă©nergie du corps (qi) et amĂ©liorer la santĂ©.
Au Moyen Ă‚ge et Ă la Renaissance, l’Église chrĂ©tienne a jouĂ© un rĂ´le essentiel dans la popularisation de la « musique pour les masses ». Le chant des hymnes de congrĂ©gation a permis aux fidèles de s’engager dans une musique commune pendant les services religieux. Cette expression musicale partagĂ©e Ă©tait un puissant moyen de dĂ©votion et d’enseignement religieux, permettant Ă une population largement analphabète de se rapprocher de sa foi par la mĂ©lodie et les paroles. Le chant communautaire n’est pas seulement une tradition culturelle et religieuse, il a Ă©galement Ă©tĂ© reconnu comme une expĂ©rience thĂ©rapeutique.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, les premières recherches sur le système nerveux (Le système nerveux est un système en rĂ©seau formĂ© des organes des sens, des…) humain ont Ă©tĂ© menĂ©es parallèlement Ă l’Ă©mergence de la musicothĂ©rapie en tant que domaine d’Ă©tude. Des pionniers tels que le mĂ©decin amĂ©ricain Benjamin Rush, signataire de la DĂ©claration d’indĂ©pendance des États-Unis en 1776, ont reconnu le potentiel thĂ©rapeutique de la musique pour amĂ©liorer la santĂ© mentale.
Peu après, des personnalitĂ©s telles que Samuel Mathews (l’un des Ă©tudiants de Rush) ont commencĂ© Ă mener des expĂ©riences explorant les effets de la musique sur le système nerveux, jetant ainsi les bases de la musicothĂ©rapie moderne. Ces premiers travaux ont servi de tremplin Ă E. Thayer Gaston, connu comme le « père de la musicothĂ©rapie », pour la promouvoir en tant que discipline lĂ©gitime aux États-Unis. Ces dĂ©veloppements ont inspirĂ© des efforts similaires au Royaume-Uni, oĂą Mary Priestley a contribuĂ© de manière significative au dĂ©veloppement de la musicothĂ©rapie en tant que domaine respectĂ©.
Les connaissances acquises lors de ces premières explorations ont continuĂ© Ă influencer les psychologues et les neuroscientifiques depuis lors, y compris le grand neurologue et auteur de best-sellers Oliver Sacks, aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ©, qui a observĂ© que:
« La musique peut nous sortir de la dĂ©pression ou nous Ă©mouvoir aux larmes. C’est un remède, un tonique, un jus d’orange pour l’oreille. »
L’effet Mozart
L’Ă©tude et la comprĂ©hension de tous les mĂ©canismes cĂ©rĂ©braux impliquĂ©s dans l’Ă©coute de la musique et de ses effets ne sont pas l’apanage des neuroscientifiques. Notre Ă©quipe diversifiĂ©e comprend des experts en musique tels que Dimana Kardzhieva (citĂ©e ci-dessous), qui a commencĂ© Ă jouer du piano Ă l’âge de cinq ans et a poursuivi ses Ă©tudes Ă l’École nationale de musique de Sofia, en Bulgarie. Aujourd’hui psychologue cognitive, sa comprĂ©hension combinĂ©e de la musique et des processus cognitifs nous aide Ă approfondir les mĂ©canismes complexes par lesquels la musique affecte (et apaise) notre esprit. Un neuroscientifique seul risquerait d’Ă©chouer dans cette entreprise.
« La musique est au coeur de ma profession, mais c’est aussi une quĂŞte spĂ©ciale et profondĂ©ment personnelle. Elle m’a permis de faire face aux dĂ©fis de la vie, en apprenant Ă canaliser mes sentiments et Ă les exprimer en toute sĂ©curitĂ©. La musique m’a appris Ă prendre mes pensĂ©es, qu’elles soient agrĂ©ables ou douloureuses, et Ă les transformer en quelque chose de beau. »
Le point de dĂ©part de notre recherche est ce que l’on appelle « l’effet Mozart », c’est-Ă -dire l’idĂ©e que l’exposition Ă des compositions musicales complexes, en particulier des morceaux classiques, stimule l’activitĂ© cĂ©rĂ©brale et, en fin de compte, amĂ©liore les capacitĂ©s cognitives. Bien que les rĂ©sultats soient mitigĂ©s quant Ă la rĂ©alitĂ© de l’effet Mozart, en raison des diffĂ©rentes mĂ©thodes employĂ©es par les chercheurs au fil des ans, ce travail a nĂ©anmoins permis des avancĂ©es significatives dans notre comprĂ©hension de l’effet de la musique sur le cerveau.
Une Ă©tude a montrĂ© que l’Ă©coute de la Sonate pour deux pianos en rĂ© de Mozart amĂ©liorait les capacitĂ©s cognitives.
Dans l’Ă©tude originale rĂ©alisĂ©e en 1993 par Frances Rauscher et ses collègues, les participants ont constatĂ© une amĂ©lioration de leur capacitĂ© de raisonnement spatial après seulement dix minutes d’Ă©coute de la Sonate pour deux pianos en rĂ© de Mozart.
Dans notre Ă©tude de 1997, qui utilisait la deuxième symphonie de Beethoven et le morceau instrumental For the Love of God du guitariste de rock Steve Vai, nous avons constatĂ© des effets directs similaires chez nos auditeurs, mesurĂ©s Ă la fois par l’activitĂ© EEG associĂ©e aux niveaux d’attention et Ă la libĂ©ration de l’hormone dopamine (le messager du cerveau pour les sentiments de joie, de satisfaction et de renforcement d’actions spĂ©cifiques). Nos recherches ont montrĂ© que la musique classique en particulier renforce l’attention portĂ©e Ă la façon dont nous traitons le monde qui nous entoure, indĂ©pendamment de l’expertise ou des prĂ©fĂ©rences musicales de chacun.
La beautĂ© de la mĂ©thodologie EEG rĂ©side dans sa capacitĂ© Ă suivre les processus cĂ©rĂ©braux avec une prĂ©cision de l’ordre de la milliseconde, ce qui nous permet de distinguer les rĂ©ponses neuronales inconscientes des rĂ©ponses conscientes. Lorsque nous avons montrĂ© Ă plusieurs reprises des formes simples Ă une personne, nous avons constatĂ© que la musique classique accĂ©lĂ©rait le traitement prĂ©coce (avant 300 millisecondes) de ces stimuli. Les autres musiques n’ont pas eu le mĂŞme effet, pas plus que la connaissance prĂ©alable de la musique classique ou le goĂ»t pour celle-ci. Par exemple, les musiciens professionnels de rock et de musique classique qui ont participĂ© Ă notre Ă©tude ont amĂ©liorĂ© leurs processus cognitifs automatiques et inconscients en Ă©coutant de la musique classique.
Mais nous avons Ă©galement constatĂ© des effets indirects liĂ©s Ă l’excitation. Lorsque les gens s’immergent dans la musique qu’ils apprĂ©cient personnellement, ils ressentent un changement radical de leur Ă©tat d’Ă©veil et de leur humeur. Ce phĂ©nomène prĂ©sente des similitudes avec l’augmentation des performances cognitives souvent liĂ©e Ă d’autres expĂ©riences agrĂ©ables.
Les Quatre Saisons de Vivaldi en intégralité.
Dans une autre Ă©tude, nous avons explorĂ© l’influence particulière de la « musique Ă programme » – terme dĂ©signant la musique instrumentale « porteuse d’une signification extra-musicale » et dont on dit qu’elle possède une capacitĂ© remarquable Ă faire appel Ă la mĂ©moire, Ă l’imagination et Ă la rĂ©flexion personnelle. Lorsque nos participants ont Ă©coutĂ© les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi, ils ont dĂ©clarĂ© avoir vĂ©cu de manière très vivante le changement des saisons Ă travers la musique, y compris ceux qui ne connaissaient pas ces concertos. Notre Ă©tude a conclu, par exemple, que « Le printemps » – en particulier le premier mouvement, bien connu, vibrant, Ă©motif et exaltant – a la capacitĂ© d’amĂ©liorer la vigilance mentale et les mesures cĂ©rĂ©brales de l’attention et de la mĂ©moire.
Que se passe-t-il dans notre cerveau ?
Les qualitĂ©s Ă©motionnelles et thĂ©rapeutiques de la musique sont Ă©troitement liĂ©es Ă la libĂ©ration de substances neurochimiques. Un certain nombre d’entre elles sont associĂ©es au bonheur, notamment l’ocytocine, la sĂ©rotonine et les endorphines. Cependant, la dopamine est au coeur des propriĂ©tĂ©s stimulantes de la musique.
Elle dĂ©clenche la libĂ©ration de dopamine dans les rĂ©gions du cerveau consacrĂ©es Ă la rĂ©compense et au plaisir, gĂ©nĂ©rant des sensations de joie et d’euphorie semblables Ă l’impact d’autres activitĂ©s agrĂ©ables telles que la consommation de nourriture ou les rapports sexuels. Mais contrairement Ă ces activitĂ©s, dont la valeur est clairement liĂ©e Ă la survie et Ă la reproduction (La Reproduction. ElĂ©ments pour une thĂ©orie du système d’enseignement est un ouvrage…), l’avantage Ă©volutif de la musique est moins Ă©vident.
Sa forte fonction sociale est reconnue comme le principal facteur du dĂ©veloppement et de la prĂ©servation de la musique dans les communautĂ©s humaines. Cette qualitĂ© protectrice pourrait donc expliquer pourquoi elle fait appel aux mĂŞmes mĂ©canismes neuronaux que d’autres activitĂ©s agrĂ©ables.
Le système de rĂ©compense du cerveau est constituĂ© de rĂ©gions interconnectĂ©es, dont le noyau accumbens est la centrale. Il est situĂ© profondĂ©ment dans la rĂ©gion sous-corticale, et son emplacement laisse prĂ©sager son implication significative dans le traitement des Ă©motions, Ă©tant donnĂ© sa proximitĂ© avec d’autres rĂ©gions clĂ©s liĂ©es Ă ce traitement.
Lorsque nous Ă©coutons de la musique, que ce soit en jouant ou en Ă©coutant, le noyau accumbens rĂ©agit Ă ses aspects agrĂ©ables en dĂ©clenchant la libĂ©ration de dopamine. Ce processus, connu sous le nom de voie de rĂ©compense de la dopamine, est essentiel pour Ă©prouver et renforcer des Ă©motions positives telles que les sentiments de bonheur, de joie ou d’excitation que la musique peut procurer.
Comme l’explique Jonathan Smallwood, professeur de psychologie Ă l’universitĂ© Queen’s (Ontario), nous n’avons pas fini d’en apprendre sur l’impact de la musique sur les diffĂ©rentes parties du cerveau:
« La musique peut ĂŞtre compliquĂ©e Ă comprendre du point de vue des neurosciences. Un morceau de musique englobe de nombreux domaines qui sont gĂ©nĂ©ralement Ă©tudiĂ©s sĂ©parĂ©ment, tels que la fonction auditive, l’Ă©motion, le langage et la signification. »
Cela dit, nous pouvons constater que l’effet de la musique sur le cerveau va au-delĂ du simple plaisir. L’amygdale, une rĂ©gion du cerveau rĂ©putĂ©e pour son implication dans les Ă©motions, gĂ©nère et rĂ©gule les rĂ©actions Ă©motionnelles Ă la musique, qu’il s’agisse de la nostalgie rĂ©confortante d’une mĂ©lodie familière, de l’excitation exaltante d’une symphonie qui va crescendo ou de la peur liĂ©e Ă une mĂ©lodie sinistre et obsĂ©dante.
La recherche a Ă©galement dĂ©montrĂ© que, lorsqu’elles sont stimulĂ©es par la musique, ces rĂ©gions peuvent rĂ©veiller des souvenirs autobiographiques qui suscitent une rĂ©flexion positive sur nous-mĂŞmes et nous font nous sentir mieux – comme nous l’avons vu dans la vidĂ©o de l’ancienne ballerine Martha González Saldaña.
Nos propres recherches indiquent que l’hippocampe, essentiel Ă la formation de la mĂ©moire, est la partie du cerveau qui stocke les souvenirs et les associations liĂ©s Ă la musique. SimultanĂ©ment, le cortex prĂ©frontal, responsable des fonctions cognitives supĂ©rieures, collabore Ă©troitement avec l’hippocampe pour retrouver ces souvenirs musicaux et Ă©valuer leur signification autobiographique. Pendant l’Ă©coute de la musique, cette interaction entre les centres cĂ©rĂ©braux de la mĂ©moire et de l’Ă©motion crĂ©e une expĂ©rience puissante et unique, Ă©levant la musique au rang de stimulus distinctif et agrĂ©able.
Les arts visuels, comme les peintures et les sculptures, ne provoquent pas l’engagement temporel et multisensoriel de la musique, ce qui diminue leur capacitĂ© Ă former des connexions Ă©motionnelles et mĂ©morielles fortes et durables. Les autres formes d’art peuvent Ă©voquer des Ă©motions et des souvenirs, mais restent souvent ancrĂ©s dans l’instant. La musique, et c’est peut-ĂŞtre unique, forme des souvenirs durables, chargĂ©s d’Ă©motions, qui peuvent rĂ©-Ă©merger quand on rĂ©Ă©coute une chanson particulière des annĂ©es plus tard.
Perspectives personnelles
La musicothĂ©rapie peut profondĂ©ment changer la vie des gens. Nous avons eu le privilège d’entendre de nombreuses histoires et rĂ©flexions personnelles de la part des participants Ă notre Ă©tude, et mĂŞme de nos chercheurs. Dans certains cas, comme les souvenirs de la tentative de suicide (On appelle tentative de suicide un acte auto-agressif destinĂ© Ă mettre fin Ă sa vie…) d’un père suscitĂ©s par la chanson You’re Still The One de Shania Twain, il s’agit de rĂ©cits profonds et profondĂ©ment personnels. Ils nous montrent le pouvoir de la musique pour aider Ă rĂ©guler les Ă©motions, mĂŞme lorsque les souvenirs qu’elle dĂ©clenche sont nĂ©gatifs et douloureux.
Face Ă de graves difficultĂ©s physiques et Ă©motionnelles, un autre participant Ă notre Ă©tude a expliquĂ© comment il avait ressenti une amĂ©lioration inattendue de son bien-ĂŞtre en Ă©coutant un morceau qu’il avait adorĂ©, malgrĂ© le contenu apparemment nĂ©gatif du titre et des paroles de la chanson:
« L’exercice a Ă©tĂ© crucial pour moi après un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Au milieu de ma sĂ©ance de rĂ©Ă©ducation, alors que je me sentais dĂ©primĂ© et souffrant, un vieux morceau favori, What Have I Done To Deserve This ? des Pet Shop Boys, m’a donnĂ© un coup de fouet instantanĂ©. Non seulement elle m’a remontĂ© le moral, mais elle a aussi fait battre mon coeur avec excitation – je pouvais sentir les picotements de la motivation courir dans mes veines ».
Les Pet Shop Boys ont donné une motivation supplémentaire à une séance de rééducation après un accident vasculaire cérébral.
La musique peut servir d’exutoire cathartique, de source d’autonomisation, permettant aux individus de traiter et de faire face Ă leurs Ă©motions tout en leur apportant rĂ©confort et apaisement. Un participant a dĂ©crit comment un morceau peu connu datant de 1983 sert d’inducteur d’humeur dĂ©libĂ©rĂ© – un outil pour amĂ©liorer son bien-ĂŞtre:
« Chaque fois que je suis dĂ©primĂ© ou que j’ai besoin d’un remontant, je joue Dolce Vita de Ryan Paris. C’est comme un bouton magique qui gĂ©nère des Ă©motions positives en moi – il me remonte toujours le moral en quelques instants. »
Comme chaque personne a ses propres goĂ»ts et ses propres liens Ă©motionnels avec certains types de musique, il est essentiel d’adopter une approche personnalisĂ©e lors de la conception d’interventions de musicothĂ©rapie, afin de s’assurer qu’elles trouvent un Ă©cho profond chez les individus. MĂŞme les tĂ©moignages de nos chercheurs, comme celui de Sam Fenwick, se sont rĂ©vĂ©lĂ©s utiles pour formuler des hypothèses en vue d’un travail expĂ©rimental:
« Si je devais choisir une seule chanson qui me fait vibrer, ce serait “Alpenglow”. Cette chanson me donne des frissons. Je ne peux m’empĂŞcher de chanter et chaque fois que je le fais, j’en ai les larmes aux yeux. Lorsque la vie est belle, elle dĂ©clenche des sentiments de force intĂ©rieure et me rappelle la beautĂ© de la nature. Lorsque je me sens mal, elle m’inspire un sentiment de nostalgie et de solitude, comme si j’essayais de rĂ©soudre mes problèmes toute seule, alors que j’aurais vraiment besoin de soutien. »
StimulĂ©e par ces observations, notre dernière Ă©tude compare les effets de la musique triste et de la musique joyeuse sur le cerveau, afin de mieux comprendre la nature de ces diffĂ©rentes expĂ©riences Ă©motionnelles. Nous avons dĂ©couvert que les mĂ©lodies sombres peuvent avoir des effets thĂ©rapeutiques particuliers, offrant aux auditeurs une plate-forme spĂ©ciale pour la libĂ©ration Ă©motionnelle et l’introspection significative.
Explorer les effets de la musique joyeuse et triste
En nous inspirant des études sur les expériences cinématographiques émotionnellement intenses, nous avons récemment publié une étude mettant en évidence les effets de compositions musicales complexes, en particulier les Quatre Saisons de Vivaldi, sur les réponses à la dopamine et les états émotionnels. Cette étude a été conçue pour nous aider à comprendre comment la musique joyeuse et triste affecte les gens de différentes manières.
L’une des principales difficultĂ©s consistait Ă mesurer les niveaux de dopamine de nos participants de manière non invasive. L’imagerie cĂ©rĂ©brale fonctionnelle (En mathĂ©matiques, le terme fonctionnelle se rĂ©fère Ă certaines fonctions….) traditionnelle est un outil courant pour suivre la dopamine en rĂ©ponse Ă la musique – par exemple, la tomographie par Ă©mission de positrons (TEP). Toutefois, cette technique implique l’injection d’un radiotraceur dans la circulation sanguine (La circulation sanguine est un type de système circulatoire en circuit fermĂ© qui assure…), qui se fixe sur les rĂ©cepteurs de dopamine dans le cerveau. Ce procĂ©dĂ© prĂ©sente Ă©galement des limites en termes de coĂ»t et de disponibilitĂ© (La disponibilitĂ© d’un Ă©quipement ou d’un système est une mesure de performance qu’on…).
Dans le domaine de la psychologie et de la recherche sur la dopamine, une approche alternative et non invasive consiste à étudier la fréquence des clignements de paupières et la variation du rythme des clignements de paupières en fonction de la musique.
Le clignement des yeux est contrĂ´lĂ© par les ganglions de la base, une rĂ©gion du cerveau qui rĂ©gule la dopamine. Le dĂ©règlement de la dopamine dans des conditions telles que la maladie de Parkinson (La maladie de Parkinson est une maladie neurologique chronique affectant le système nerveux…) peut affecter le rythme rĂ©gulier de clignement des yeux. Des Ă©tudes ont montrĂ© que les personnes atteintes de la maladie de Parkinson prĂ©sentent souvent des taux de clignement rĂ©duits ou une variabilitĂ© accrue des taux de clignement, par rapport aux personnes en bonne santĂ©. Ces rĂ©sultats suggèrent que la vitesse de clignement des yeux peut servir d’indicateur indirect de la libĂ©ration ou de l’altĂ©ration de la dopamine.
Bien que la vitesse de clignement des yeux n’offre pas le mĂŞme niveau de prĂ©cision que les mesures neurochimiques directes, elle constitue une mesure de substitution pratique et accessible qui peut complĂ©ter les techniques d’imagerie traditionnelles. Cette approche alternative s’est rĂ©vĂ©lĂ©e prometteuse pour amĂ©liorer notre comprĂ©hension du rĂ´le de la dopamine dans divers processus cognitifs et comportementaux.
Notre Ă©tude a rĂ©vĂ©lĂ© que le sombre « Mouvement d’hiver » suscitait une rĂ©action dopaminergique particulièrement forte, remettant en cause nos idĂ©es prĂ©conçues et mettant en lumière l’interaction entre la musique et les Ă©motions. On aurait pu s’attendre Ă une rĂ©action plus forte au Concerto de printemps, familier et entraĂ®nant, mais cela n’a pas Ă©tĂ© le cas. Il s’est avĂ©rĂ© que le mouvement d’hiver de Vivaldi suscitait une rĂ©ponse dopaminergique particulièrement forte.
Notre approche est allĂ©e au-delĂ de la mesure de la dopamine afin de mieux comprendre les effets de la musique triste et de la musique joyeuse. Nous avons Ă©galement utilisĂ© l’analyse du rĂ©seau EEG pour Ă©tudier comment les diffĂ©rentes rĂ©gions du cerveau communiquent et synchronisent leur activitĂ© lors de l’Ă©coute de diffĂ©rentes musiques. Par exemple, les rĂ©gions associĂ©es Ă l’apprĂ©ciation de la musique, au dĂ©clenchement d’Ă©motions positives et Ă la rĂ©cupĂ©ration de riches souvenirs personnels peuvent « parler » entre elles. C’est comme si l’on observait une symphonie d’activitĂ©s cĂ©rĂ©brales se dĂ©rouler, alors que les individus expĂ©rimentent subjectivement une gamme variĂ©e de stimuli musicaux.
Parallèlement, les rapports d’expĂ©riences subjectives nous ont donnĂ© un aperçu de l’impact personnel de chaque morceau de musique, y compris le cadre temporel des pensĂ©es (passĂ©, prĂ©sent ou futur), leur orientation (soi ou les autres), leur forme (images ou mots) et leur contenu Ă©motionnel. La catĂ©gorisation de ces pensĂ©es et Ă©motions, et l’analyse de leur corrĂ©lation avec les donnĂ©es cĂ©rĂ©brales, peuvent fournir des informations prĂ©cieuses pour de futures interventions thĂ©rapeutiques.
Nos donnĂ©es prĂ©liminaires rĂ©vèlent que la musique joyeuse suscite des pensĂ©es orientĂ©es vers le prĂ©sent et l’avenir, des Ă©motions positives et une attention portĂ©e aux autres. Ces pensĂ©es sont associĂ©es Ă une activitĂ© cĂ©rĂ©brale frontale accrue et Ă une activitĂ© cĂ©rĂ©brale postĂ©rieure rĂ©duite. En revanche, les musiques tristes provoquent une rĂ©flexion sur les Ă©vĂ©nements passĂ©s, ce qui s’accompagne d’une activitĂ© neuronale accrue dans les zones du cerveau liĂ©es Ă l’introspection et Ă la rĂ©cupĂ©ration de la mĂ©moire.
Pourquoi la musique triste a-t-elle le pouvoir d’influer sur le bien-ĂŞtre psychologique ? L’expĂ©rience immersive des mĂ©lodies sombres offre une plate-forme pour la libĂ©ration et le traitement des Ă©motions. En Ă©voquant des Ă©motions profondes, la musique triste permet aux auditeurs de trouver du rĂ©confort, de plonger dans l’introspection et de gĂ©rer efficacement leurs Ă©tats Ă©motionnels.
Cette comprĂ©hension constitue la base du dĂ©veloppement de futures interventions ciblĂ©es de musicothĂ©rapie destinĂ©es aux personnes confrontĂ©es Ă des difficultĂ©s de rĂ©gulation Ă©motionnelle, de rumination et mĂŞme de dĂ©pression. En d’autres termes, mĂŞme la musique triste peut ĂŞtre un outil de dĂ©veloppement personnel et de rĂ©flexion.
Ce que la musicothĂ©rapie peut offrir Ă l’avenir
Sans ĂŞtre une panacĂ©e, l’Ă©coute de musique a des effets thĂ©rapeutiques considĂ©rables, ce qui pourrait conduire Ă une adoption accrue des sĂ©ances de musicothĂ©rapie parallèlement Ă la thĂ©rapie par la parole traditionnelle. L’intĂ©gration de la technologie dans la musicothĂ©rapie, notamment par le biais de services applicatifs Ă©mergents, est sur le point de transformer la manière dont les gens accèdent Ă des interventions musicales thĂ©rapeutiques personnalisĂ©es et Ă la demande, offrant ainsi une voie pratique et efficace pour l’amĂ©lioration de soi et le bien-ĂŞtre.
Ă€ plus long terme, l’intĂ©gration de l’intelligence artificielle (IA) pourrait rĂ©volutionner la musicothĂ©rapie. L’IA peut adapter les interventions thĂ©rapeutiques de façon dynamique, en fonction de l’Ă©volution des rĂ©actions Ă©motionnelles d’une personne. Imaginez une sĂ©ance de thĂ©rapie oĂą l’IA sĂ©lectionnerait et ajusterait la musique en temps rĂ©el, en fonction des besoins Ă©motionnels du patient, crĂ©ant ainsi une expĂ©rience thĂ©rapeutique hautement personnalisĂ©e et efficace… Ces innovations sont prĂŞtes Ă remodeler le domaine de la musicothĂ©rapie, en libĂ©rant tout son potentiel thĂ©rapeutique.
En outre, une nouvelle technologie appelĂ©e neurofeedback s’est rĂ©vĂ©lĂ©e prometteuse. Le neurofeedback consiste Ă observer l’EEG d’une personne en temps rĂ©el et Ă lui apprendre Ă rĂ©guler et Ă amĂ©liorer ses schĂ©mas neuronaux. La combinaison de cette technologie avec la musicothĂ©rapie pourrait permettre aux gens de « cartographier » les caractĂ©ristiques musicales qui leur sont les plus bĂ©nĂ©fiques et de comprendre ainsi comment s’aider au mieux.
Lors de chaque sĂ©ance de musicothĂ©rapie, les participants apprennent tout en recevant des informations sur l’Ă©tat de leur activitĂ© cĂ©rĂ©brale. L’activitĂ© cĂ©rĂ©brale optimale associĂ©e au bien-ĂŞtre et Ă des qualitĂ©s musicales spĂ©cifiques – telles que le rythme, le tempo ou la mĂ©lodie d’un morceau – est apprise au fil du temps. Cette approche innovante est dĂ©veloppĂ©e dans notre laboratoire et ailleurs.
Comme pour toute forme de thérapie, il est primordial de reconnaître les limites et les différences individuelles. Cependant, il existe des raisons de croire que la musicothérapie peut conduire à de nouvelles percées. Les récentes avancées dans les méthodologies de recherche, en partie grâce aux contributions de notre laboratoire, ont considérablement approfondi notre compréhension de la manière dont la musique peut faciliter la guérison.
Nous commençons Ă identifier deux Ă©lĂ©ments essentiels: la rĂ©gulation Ă©motionnelle et le lien puissant avec les souvenirs autobiographiques personnels. Nos recherches en cours se concentrent sur l’Ă©lucidation des interactions complexes entre ces Ă©lĂ©ments essentiels et les rĂ©gions cĂ©rĂ©brales spĂ©cifiques responsables des effets observĂ©s.
Bien entendu, l’impact de la musicothĂ©rapie va au-delĂ de ces nouveaux dĂ©veloppements dans le domaine des neurosciences. Le simple plaisir d’Ă©couter de la musique, le lien Ă©motionnel qu’elle favorise et le rĂ©confort qu’elle procure sont des qualitĂ©s qui vont au-delĂ de ce qui peut ĂŞtre mesurĂ© uniquement par des mĂ©thodes scientifiques. La musique influence profondĂ©ment nos Ă©motions et nos expĂ©riences fondamentales, transcendant les mesures scientifiques. Elle s’adresse au cĹ“ur de notre expĂ©rience humaine et a des effets qu’il n’est pas facile de dĂ©finir ou de documenter.
Ou, comme l’a si bien dit l’un des participants Ă notre Ă©tude:
« La musique est comme cet ami fiable qui ne me laisse jamais tomber. Quand je suis au plus bas, elle m’Ă©lève avec sa douce mĂ©lodie. Dans le chaos, elle me calme avec un rythme apaisant. Ce n’est pas seulement dans ma tĂŞte ; c’est une [magie]qui fait vibrer l’âme. La musique n’a pas de frontières: un jour, elle me remonte le moral sans effort, et le lendemain, elle peut agrĂ©menter chaque instant de l’activitĂ© dans laquelle je suis engagĂ©. »
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