Budget : rendez-vous en censure inconnue

La menace du RN est de moins en moins virtuelle. Que se passe-il si le gouvernement Barnier est renversé juste avant Noël ?

Ce qui était jusqu’à maintenant un moyen de pression est en train de se transformer en scénario de plus en plus crédible.

Ce n’est plus un bruit de couloir et d’état-major. La position est assumée clairement, depuis ce matin, par Marine Le Pen : le pouvoir d’achat des Français est une « ligne rouge ». S’il est « amputé », les députés RN votent la censure. Elle le redira, lundi, à Matignon, où elle sera reçue par Michel Barnier.

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Avec une ligne rouge aussi large, il y aura toujours prétexte à faire tomber le gouvernement.

Est-ce que ça s’est déjà produit par le passé ?

Non. Depuis 1958, jamais aucun gouvernement n’a chuté sur le budget.

Le seul gros accident remonte à Noël 1979. Le gouvernement Barre veut aller vite, trop vite. Il fait voter les dépenses avant les recettes. Faute de procédure. Et la gauche, notamment le jeune député socialiste Laurent Fabius, saisit le Conseil constitutionnel. Le budget est censuré le 24 décembre.

Et comment la crise a-t-elle été surmontée ?

Trêve des confiseurs, mais pas du législateur. Le Parlement adopte en urgence une « loi spéciale autorisant le gouvernement à percevoir, en 1980, les impôts et les taxes » de 1979. Dans la foulée, l’exécutif prend une série de décrets qui permettent de reproduire le niveau de dépenses de l’année écoulée. Tout est validé pare les Sages le 30 décembre. Ouf, le réveillon est sauvé.

En clair, pas de shutdown comme aux Etats-Unis. Les fonctionnaires ont été payés.

Revenons à Noël 2024 : s’il y a censure votée, pas de shutdown, mais une crise quand même ?

Imaginons, dans un mois : au 49.3 de Michel Barnier, répond la motion de censure des députés NFP, adoptée grâce aux 142 voix RN et Ciottistes. C’est la chute de l’exécutif, qui passe en mode affaires courantes.

Il faudra d’abord déterminer si le budget relève des affaires courantes. Vu l’urgence, c’est oui. Charge ensuite à cet exécutif censuré de faire passer la « loi spéciale » qui permet de reconduire le budget. Mais sans aucune économie, ce qui fera mécaniquement flamber notre déficit vers les 7% !

Scénario plus noir encore : si même la loi spéciale ne recueille pas de majorité, c’est le chaos. Ce cas de figure n’a jamais été envisagé. D’où cette réflexion, chez les juristes, pour savoir si l’article 16 sur les pouvoirs spéciaux du Président pourrait alors être déclenché.

Avant d’en arriver là, il faut que la gauche ET le RN votent ensemble…

Est-ce qu’un grand parti de gouvernement comme le PS cautionnerait une telle crise à Noël ? Sans retour aux urnes, puisqu’Emmanuel Macron ne peut pas redissoudre avant l’été prochain…

Réponse des cadres socialistes avec qui j’ai échangés. 1/ L’après-Barnier est déjà discuté. 2/ Le PS ne veut pas sauver Michel Barnier. « N’inversez pas les responsabilités », m’a-t-on dit. « Le désordre, c’est la dissolution, puis ce socle commun qui n’a rien de commun. » 3/ « On n’est pas comptable des votes du RN ». 4/ Sauver Michel Barnier, ce serait gommer les oppositions, affaiblir la démocratie, et donc faire le jeu du RN…

Donc, pour répondre à votre question : la censure n’est pas une lubie de commentateur pour se faire peur. Censurer le budget, c’est l’acte politique absolu : celui qui vous classe dans la majorité ou dans l’opposition. A l’heure de la polarisation, plus personne ne se fait de concessions.

En cas de censure, ce sera la double peine : la première, c’est qu’on change les noms des ministres, mais pas les blocs à l’Assemblée. Rien n’est résolu. Economiquement, deuxième peine : bienvenue en terre, ou plutôt en dette, inconnue.

 

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