Cancer du sein RH+ chez la femme jeune : moins le traitement est interrompu, plus la survie augmente

Plus les femmes atteintes d’un cancer hormonosensible sont jeunes, plus elles tirent de bénéfices à peu interrompre leur traitement, selon une étude de cohorte nationale. Ces données soulignent la nécessité d’améliorer l’adhérence à l’hormonothérapie dans cette population.

BARCELONE — Entre 6 et 7 % des cancers du sein surviennent chez des femmes de moins de 40 ans. Une majorité est atteinte de cancers hormonosensibles et dans cette population, il existe un risque accru de récidive.

Une vaste étude de cohorte française présentée lors du congrès de l’ESMO 2024[1] et publiée dans les Annals of Oncology , montre que chez les femmes de moins de 34 ans avec un cancer hormonosensible, il existe un bénéfice de survie sans récidive particulièrement important lorsque l’hormonothérapie est très peu interrompue par rapport à la durée prévue par la prescription (persistance stricte au traitement). Ces données soulignent le besoin de stratégies adaptées pour améliorer l’adhérence à l’hormonothérapie dans cette population jeune.

« Après chirurgie et si besoin radiothérapie/chimiothérapie, les femmes non-ménopausées reçoivent une hormonothérapie, soit du tamoxifène pour les cancers du sein à faible risque récidives, soit des anti-aromatases associés à une suppression ovarienne pour les cancers à plus haut risque, pendant au moins 5 ans. Or, on sait que bien prendre son traitement quotidiennement améliore la survie et diminue le risque de récidive à long terme. Le problème est que beaucoup de femmes souffrent des effets secondaires de ces traitements, des effets typiques de la ménopause et que certaines n’arrivent pas à prendre leur traitement tous les jours. Nous avons essayé d’évaluer les effets de ces interruptions de traitement sur le risque de récidive chez les jeunes femmes car elles souffrent de manière plus sévère de l’hormonothérapie probablement parce qu’elles sont habituées à un niveau d’œstrogènes beaucoup plus élevé que les patientes plus âgées. Aussi, certaines vont arrêter de prendre leur traitement en accord avec leur médecin parce qu’elles veulent avoir un bébé. Il peut aussi y avoir des facteurs psychologiques dû au manque d’accompagnement chez ces femmes jeunes qui se sentent isolées », a commenté l’auteure principale de l’étude, Elise Dumas (Institut Curie, Paris), auprès de Medscape édition française.

Persistance à l’hormonothérapie et survie chez les femmes jeunes

Dans cette étude de cohorte nationale, les chercheurs ont utilisé les données du Système National de Données de Santé français et des méthodes d’inférence causale pour estimer les gains potentiels de survie sans maladie (SSM) à 5 ans réalisables en améliorant la persistance de l’hormonothérapie dans différents groupes d’âge de femmes diagnostiquées avec un cancer hormonosensible. Trois définitions de la persistance de l’hormonothérapie : interruptions de traitement de 30, 90 ou 180 jours ont été testées.

Au total, 121 852 patientes atteintes d’un cancer hormonosensible ont été incluses dans les analyses, dont 29,9 % étaient âgées de moins de 50 ans, 6 % avaient moins de 40 ans, et 1,8 % de moins de 34 ans au moment du diagnostic.

Il ressort des analyses que les patientes plus jeunes avaient une survie sans progression plus faible et étaient plus susceptibles d’interrompre leur hormonothérapie que les patientes plus âgées.

« Nous avons aussi observé que dans toutes les classes d’âge, la persistance à l’hormonothérapie améliore la survie. Aussi, plus la définition de persistance est stricte (moins de jours d’arrêt) plus l’augmentation de la survie sans récidive est importante. L’effet de la persistance sur la survie est beaucoup plus important chez les femmes plus jeunes », a indiqué Elise Dumas.

Les patientes – diagnostiquées avant l’âge de 34 ans – qui prenaient régulièrement l’hormonothérapie (pas de pause de 30 jours) ont eu des taux de survie sans progression à 5 ans améliorés de 75,8 % à 81,4 % (5,6 %, IC 95 % : 2,5-8,8) par rapport à la persistance observée [dans la population tout-venant].

Les stratégies de persistance de l’hormonothérapie prévoyant des interruptions de 90 et 180 jours ont réduit le bénéfice de la survie sans progression à 5 ans dans ce sous-groupe de patientes à 1,3 % (IC 95 % : 0,0-2,5) et 1,9 % (IC 95 % : 0,4-3,5), respectivement, par rapport à la persistance observée.

En revanche, l’amélioration de la persistance de l’hormonothérapie chez les patientes plus âgées n’a pas augmenté la survie sans récidive de plus de 1,2 %.

« Il y aurait beaucoup à gagner en termes de survie sans récidive pour les femmes jeunes si on trouvait des moyens pour qu’elles soient persistantes avec leur traitement. Aussi, elles ont plus à perdre à ne pas prendre leur traitement que les femmes plus âgées. Il existe des programmes pour améliorer l’adhérence à l’hormonothérapie de manière générale. Il pourrait être proposé d’améliorer le suivi de ces patientes jeunes, la détection des effets secondaires, la détection de la non-adhérence et l’amélioration de la prise en charge des effets secondaires de l’hormonothérapie. On peut désormais utiliser le laser pour la sécheresse vaginale par exemple, mais on peut surtout, chez certaines femmes, switcher de traitement et repasser des agonistes + anti-aromatases qui ont plus d’effets secondaires au tamoxifène », conclut la chercheuse.

Quid de l’interruption de traitement pour une grossesse ?

L’étude POSITIVE sur 516 patientes de moins de 43 ans, publiée en 2023, a montré que les jeunes femmes atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant et ayant interrompu leur hormonothérapie à des fins de grossesse n’ont pas connu plus de récidives à court terme que les autres. A trois ans, le taux de récidives du cancer du sein (8,9 %) chez les participantes s’est avéré comparable à celui des autres femmes atteintes (9,2 %). 

Comment expliquer ces résultats apparemment contradictoires avec ceux de l’étude de cohorte française ?

« Ce ne sont que des hypothèses mais dans l’essai POSITIVE, les interruptions d’hormonothérapies étaient vraiment très contrôlées. Les femmes étaient très suivies. Aussi, nous ne savons pas très bien quel est l’effet de la grossesse sur la récidive, cela pourrait avoir un effet positif qui compenserait peut-être l’effet négatif de l’arrêt du traitement », suggère Elise Dumas qui poursuit « nous avons fait une analyse complémentaire sur notre étude où nous avons enlevé toutes les données chez les femmes enceintes. Or, cela ne change pas nos résultats. Cela signifie qu’interrompre l’hormonothérapie pour une raison autre qu’une grossesse n’est pas positif ».

Financements, liens d’intérêts : Institut National du Cancer (INCa). Tous les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt.

 

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