« Il a humilié Macron »: si Tshisekedi a obtenu l’effet escompté auprès des Congolais, son « petit jeu » en lasse certains

Mécontent du discours de la France, Félix Tshisekedi a claqué la porte du sommet de la Francophonie.

La guerre dans l’est de la RDC, les accusations de Kinshasa contre le rôle joué par Kigali dans la reprise des hostilités et le retour du mouvement rebelle M23 dans la province du Nord-Kivu avaient déjà crispé le XVIIIe sommet de l’OIF organisé sur l’île tunisienne de Djerba en novembre 2022.

À cette époque-là, le Premier ministre congolais, Sama Lokonde, avait refusé de poser sur la photo de famille en compagnie du président rwandais Paul Kagame. Le lendemain, Kinshasa s’était opposée – en vain – à la reconduction de Louise Mushikiwabo au poste de secrétaire générale.

Depuis, la situation entre les deux pays s’est encore détériorée. Kinshasa a expulsé l’ambassadeur rwandais Vincent Karega (ensuite envoyé pour prendre le poste d’ambassadeur du Rwanda à Bruxelles où la Belgique a refusé de lui accorder son agrément. Un refus à l’origine d’une crise diplomatique entre la Belgique et le Rwanda).

Quelques mois plus tard, en juillet 2023, le siège de la Secrétaire générale de la Francophonie restera vide lors de l’ouverture des Jeux de la Francophonie qui se tiennent à Kinshasa. « Le ministère congolais des Affaires étrangères a fait savoir qu’il n’y aurait pas d’invitation. Considérant qu’elle n’était pas la bienvenue, Mme Mushikiwabo a donc annulé son séjour », avait expliqué la porte-parole de la patronne de l’OIF.

En mars dernier, le même ministre congolais des Affaires étrangères avait expliqué, quelques jours avant de rendre son tablier : « il est inadmissible et contradictoire que l’OIF, qui doit défendre et promouvoir les valeurs de la Francophonie, reste aphone et inactive face à l’agression avérée de la RDC par le Rwanda ».

Six mois plus tard, alors que les initiatives de paix dans la région des grands lacs sont à l’arrêt pour l’instant, la poignée de mains entre Félix Tshisekedi et Louise Mushikiwabo sous le regard du président Emmanuel Macron pouvait laisser espérer une petite décrispation, voire, peut-être, un début de reprise de dialogue entre les deux pays représentés au plus haut niveau en France. Vendredi, Emmanuel Macron s’est entretenu à l’Élysée avec Félix Tshisekedi. Le lendemain, le président français a accordé le même temps au président rwandais Paul Kagame.

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Mais entre les deux entretiens, l’hôte du sommet a aussi tenu son discours d’ouverture du sommet face à tous ses invités. Le président Macron a ainsi expliqué son credo : « la Francophonie, oui, est un lieu où nous pouvons, ensemble, porter une diplomatie qui défend la souveraineté, l’intégrité territoriale, partout à travers la planète ». Citant la guerre en Ukraine ou le conflit israélo-palestinien. Mais pas un mot pour la guerre dans l’est de la RDC.

Les responsables politiques congolais, qui réclament partout la condamnation et des sanctions contre Kigali, porteur de toutes les responsabilités selon leur lecture du conflit, considèrent cette sortie française comme un camouflet. Le lendemain, alors que MM. Macron et Kagame sont en plein échange, Félix Tshisekedi claque la porte du sommet. La RDC sera représentée par Bestine Kazadi, sa ministre déléguée aux Affaires étrangères, chargée de la Coopération et de la Francophonie, avocate et, jusqu’à il y a peu, première femme présidente du AS Vita Club, le principal club de foot de Kinshasa.

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Le samedi, Emmanuel Macron se sentira obligé d’expliquer en conférence de presse que le conflit dans l’est de la RDC est celui qui, pendant ce sommet, a monopolisé le plus son énergie. Il ajoutera même, revenant sur son discours de la veille : « je n’ai été que parcellaire dans les citations. Et il y a beaucoup de crises, de tensions, de situations de guerre, que je n’ai pas citées ».

Tshisekedi, lui, a obtenu l’effet escompté auprès des Congolais. « Il a humilié Macron », comme l’explique une kinoise « fière de son Fatshi Beton » (le surnom que les supporters de Tshisekedi donnent à leur président, NdlR) . Mais sur la scène internationale, ce qu’un diplomate européen qualifie de « petit jeu de Tshisekedi » commence à lasser. Emmanuel Macron rappellera la position française pour tenter d’éteindre le feu allumé par la rodomontade présidentielle congolaise. « Nous avons toujours été clairs, et je l’ai redit aussi à l’un et à l’autre. Nous appelons au retrait du M23 et des troupes rwandaises, nous appelons aussi à procéder au démantèlement des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, NdlR) et de tous les groupes armés en RDC, et à l’arrêt des discours de haine ». Une position qui correspond à ce qui était sur la table du processus de paix de Luanda et qui a été rejeté, en dernière minute par Kinshasa. Un recul qui interroge, une fois de plus, les négociateurs sur la volonté réelle du pouvoir congolais d’en finir avec son association avec les FDLR.

 

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