Une étude de l’Insee publiée le 23 octobre montre que les salaires n’ont pas augmenté autant que l’inflation dans le secteur privé, en 2023. À rebours d’un discours positif largement répandu Selon l
Selon l’Insee, le salaire net moyen a diminué de 0,8 % en euros constants en 2023, après une baisse d’1 % en 2022. Sandrine Dorbes est consultante en rémunération. Elle délivre ses conseils aux entreprises pour les aider à définir leur politique salariale et commente cette étude.
Les entreprises assurent avoir fait de gros efforts sur les salaires ces deux dernières années. Est-ce vraiment le cas ?
On entend beaucoup que les salaires ont suivi l’inflation. C’est quelque chose que je ne vois pas forcément chez mes clients. Les petits salaires ont été soutenus par la hausse du smic. Il y a eu aussi beaucoup de mesures ciblées, notamment dans les sociétés où les budgets sont les plus fragiles. Mais les mesures d’augmentation générale n’ont pas été prises dans beaucoup d’entreprises. Cela fait quelques années qu’on enchaîne les crises et les mesures pansements en espérant que la conjoncture se retourne.
Est-ce de la mauvaise volonté de la part des entreprises ?
On prend toujours les très mauvais élèves en exemple. On montre des entreprises qui gagnent beaucoup d’argent et qui ne partagent pas assez les bénéfices. Moi, j’ai des clients qui n’ont vraiment pas les moyens. Une dirigeante de PME m’a expliqué que la masse salariale représente 60 % de son chiffre d’affaires. C’est colossal. La marge de manœuvre est très serrée. Avec un horizon qui n’est pas très clair d’un point de vue économique, mettre un gros coup sur les salaires pour améliorer le pouvoir d’achat, ce n’est pas toujours viable à moyen terme. Donc il y a des salaires qui sont à la traîne, notamment ceux des cadres. Les très gros salaires continuent à augmenter. Les petits salaires ont été soutenus. Mais, entre les deux, il y a des gens qui ont été un peu oubliés.
Quel est le risque ?
On entend beaucoup que l’inflation ralentit et qu’avec les augmentations de 2024, on va repartir sur une tendance haussière et réparer les effets négatifs. Je trouve cela optimiste et maladroit. Les gens qui ont perdu en pouvoir d’achat ne vont pas se féliciter des bonnes statistiques. Il y a un risque de décrochage, de baisse de motivation, de compréhension et d’engagement de la part des salariés. Ils peuvent se demander « pourquoi je bosse ? ». C’est humain, il y a un besoin de se projeter dans le temps. La rémunération est un sujet aussi technique qu’émotionnel.
Que peuvent faire les entreprises qui ne peuvent pas augmenter les salaires ?
Ce qui commence à intéresser les entreprises, c’est de travailler sur les avantages sociaux. Il y a là un vrai moyen d’améliorer le pouvoir d’achat. Avec les tickets-restaurant, bien sûr, que l’on peut utiliser pour faire ses courses. Et si on ne peut pas augmenter les salaires, on peut aussi donner des chèques vacances. Ce sont des alternatives moins chargées sur lesquelles on peut plus facilement revenir. Il y a de plus en plus de plateformes qui permettent de mixer ces avantages sociaux. Une enveloppe est allouée à chaque collaborateur qui peut choisir de la dépenser comme il le veut, pour faire du sport, aller au restaurant ou partir en vacances.