Dans le monde, les ressources en eau douce ne se répartissent pas de manière équitable. Elles étaient toutefois réputées plutôt constantes. Étaient, parce que des chercheurs nous apprennent…
L’eau est essentielle à la vie. Et sur Terre, cela tombe bien, elle recouvre près des trois quarts des surfaces. L’ennui, c’est que moins de 3 % de cette eau est consommable. Moins de 3 % se trouvent sous la forme d’une eau dite douce qu’il faut chercher dans les glaciers, les nappes souterraines, les rivières ou les lacs. Et aujourd’hui, une équipe internationale livre à ce sujet une nouvelle inquiétante. Dans la revue Surveys in Geophysics, les chercheurs racontent comment des observations satellites leur ont apporté la preuve que la quantité totale d’eau douce sur Terre a chuté brusquement en mai 2014. Depuis, elle demeure à un faible niveau.
Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont travaillé sur des données renvoyées par les satellites Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment). Leurs instruments permettent en effet de mesurer des fluctuations de la gravitégravité terrestre qui révèlent des changements dans la massemasse d’eau, sur et sous le sol. Le tout à une échelle mensuelle.
Les satellites Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment) – ici en vue d’artiste – mesurent la gravité alors qu’ils gravitent autour de la planète pour révéler les variations des niveaux d’eau sur Terre. © Nasa, JPL-Caltech
Plus de sécheresses et moins d’eau
Entre 2015 et 2023, ces mesures montrent que la quantité moyenne d’eau douce stockée sur terre – comprenez l’eau de surface liquideliquide des lacs et des rivières, ainsi que l’eau des aquifères souterrains – était inférieure de 1 200 kilomètres cubes aux niveaux moyens de 2002 à 2014. « C’est deux fois et demie le volumevolume du lac Érié perdu », précise Matthew Rodell, hydrologue au GSFC, le Goddard Space Flight CenterGoddard Space Flight Center de la NasaNasa, dans un communiqué.
Les chercheurs rapportent que tout a commencé avec une sécheresse massive qui s’est abattue sur le Brésil. Puis, une série d’épisodes de sécheresse majeure a été observée en Australie et en Asie. Mais aussi en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique. Le réchauffement des températures océaniques dans le Pacifique tropical de fin 2014 à 2016, culminant avec l’un des événements El NiñoEl Niño les plus importants depuis 1950, a entraîné des changements dans les courants-jets atmosphériques. Résultat, des conditions météorologiques et des précipitationsprécipitations modifiées dans le monde entier. Même après la fin du phénomène El Niño, les réserves mondiales d’eau douce n’ont pas réussi à se reconstituer.
Un lien entre chute des niveaux d’eau douce et réchauffement climatique ?
Ces travaux montrent que 13 des 30 sécheresses les plus intenses observées par Grace se sont produites depuis janvier 2015. De quoi soupçonner que le réchauffement climatiqueréchauffement climatique pourrait contribuer à l’épuisement durable des réserves d’eau douce. Comment ? Parce qu’avec le changement climatique, il peut parfois s’écouler beaucoup de temps avant un épisode de pluie. Même si les précipitations sont plus intenses – parce que le réchauffement conduit l’atmosphèreatmosphère à retenir plus de vapeur d’eau -, les sols plus secs absorbent moins l’eau qui finit par ruisseler au lieu de recharger les réservoirs souterrains.
Pour l’heure, il demeure difficile pour les scientifiques d’établir un lien définitif entre les deux. Toutefois, les neuf années les plus chaudes de l’histoire moderne des températures ont coïncidé avec le déclin brutal des réserves d’eau douce. « Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une coïncidence et cela pourrait être un signe avant-coureur de ce qui est à venir », conclut Matthew Rodell. À savoir, une phase de sécheresse persistante pour tous les continents de notre Terre.