Notre langue, ciseleuse hors pair de la parole

Le langage articulé humain est un prodige de précision mécanique, acoustique et cérébrale, où les déformations rapides de notre langue jouent un rôle crucial. Offrir Le Monde

C’est notre langue qui donne sens aux sons sortant de notre bouche. Si nous pouvons parler, en effet, c’est grâce aux mouvements rapides et ultraprécis des nombreux muscles qui l’actionnent – couplés, il est vrai, à ceux de nos lèvres, de nos mâchoires et du voile de notre palais. Grâce à quoi, nous parvenons à articuler les phonèmes, les consonnes et les voyelles… bref, à émettre cette formidable diversité de sons qui caractérise notre espèce sociale.

Cette masse charnue logée dans notre bouche, pourtant, n’est pas à la source de la parole. Celle-ci naît deux étages plus bas, dans nos poumons. Le souffle qui en émane remonte puis traverse notre larynx ; là, il fait vibrer nos cordes vocales – ou plutôt nos « plis vocaux ». Mais l’onde acoustique ainsi produite n’est qu’un son informe. Pour devenir parole, elle doit pénétrer dans une prodigieuse caisse de résonance, formée des cavités qui surplombent nos plis vocaux : haut du larynx, pharynx, cavités buccale et nasale. Là s’opère la métamorphose. L’onde acoustique y est amplifiée et filtrée par les mouvements très rapides et précis des « articulateurs » de notre bouche : mâchoires, langue, lèvres et voile du palais. La parole ou le chant peuvent enfin fuser.

Quand nous parlons ou chantons, nos plis vocaux vibrent à une fréquence donnée : c’est la fondamentale. Quand nous chantons le la du diapason (fréquence de 440 hertz), elles vibrent 440 fois par seconde ! Dans le même temps, des multiples entiers de cette fondamentale, ou « harmoniques », sont produits dans le larynx. Les grands chanteurs lyriques, c’est leur force, parviennent à produire jusqu’à vingt ou trente harmoniques…

Certains harmoniques, dans notre bouche, sont renforcés par les mouvements des articulateurs – dont la langue : il en résulte des pics de fréquence, ou « formants ». Petit miracle acoustique, les trois pics de plus basses fréquences suffisent pour identifier une voyelle. Les suivants, eux, aident à reconnaître la voix du locuteur.

Sans que nous en ayons conscience, notre langue est donc très active. Prenons les voyelles. Pour prononcer un « i », elle se place très en avant ; pour un « ou », elle recule beaucoup, tandis que la bouche se ferme… Elle intervient aussi dans la production de la plupart des consonnes – qui souvent ne mobilisent que nos articulateurs, mais pas nos plis vocaux. Pour faire un « s », par exemple, sa pointe vient toucher nos incisives du bas. Pour un « t », elle s’avance et se colle au palais, tandis que l’écoulement de l’air, d’abord bloqué, est brusquement relâché.

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