De plus en plus, l’objectif de maintenir le réchauffement climatique anthropique sous la barre des 1,5 °C semble inatteignable. Alors, pourquoi ne pas se permettre d’envisager un dépassement…
Limiter le réchauffement climatique anthropique à bien moins de 2 °C et, de préférence, à 1,5 °C. C’est l’objectif fixé par l’accord de Paris sur le climat. Au point où nous en sommes – un réchauffement de 1,2 °C par rapport aux moyennes préindustrielles -, il nous faudrait, pour cela, presque diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030. Et, quoi qu’il en soit, les ramener au zéro net d’ici 2050. Pourtant, en 2023 encore, nos émissionsémissions ont augmenté. D’à peine plus de 1 %. Mais elles ont encore augmenté. Ainsi, de plus en plus de scientifiques considèrent désormais le dépassement des 1,5 °C de réchauffement comme inévitable.
Résultat, presque toutes les trajectoires discutées aujourd’hui incluent ce que les anglophones appellent un « overshoot ». Comprenez, une période pendant laquelle le seuil des 1,5 °C de réchauffement est dépassé avant que nous parvenions à repasser en dessous. En croisant les doigts pour que les conséquences de ce dépassement temporaire ne soient pas trop importantes. En croisant les doigts ? Cela ne semble pas très scientifique. Mais c’est que jusqu’ici, peu d’études se sont posées la question des conséquences d’un overshoot.
Au-delà de 1,5 °C de réchauffement, le monde n’est plus le même
Jusqu’ici. Parce que des chercheurs viennent de publier dans la revue Nature, les conclusions de trois années de travail à ce sujet. Et elles révèlent ce qui pourrait ressembler à un « excès de confiance » en la matièrematière. Selon elles, en effet, un dépassement, même temporaire, du seuil des 1,5 °C de réchauffement climatique entraînerait des « conséquences irréversibles » pour la planète. Il pourrait ainsi avoir des effets qui dureraient des centaines ou des milliers d’années. Il pourrait mener certains systèmes jusqu’à un point de basculement et occasionner des dommages irréparables à notre système climatique. « Même si nous réussissons ensuite à faire baisser de nouveau les températures, notre monde ne sera plus le même que si nous n’avions pas dépassé la limite », assurent les chercheurs.
Les chercheurs expliquent par exemple que, compte tenu des incertitudes qui existent sur l’intensité des rétroactions à attendre du système terre, il est aujourd’hui difficile d’exclure la possibilité que l’overshoot soit encore plus important que celui auquel nous préparent peu à peu les climatologuesclimatologues, à savoir, un dépassement de l’ordre de 0,3 °C. Pour revenir aux 1,5 °C de réchauffement, il nous faudrait alors déployer des quantités de moyens d’éliminer le dioxyde de carbone (CO2)) excédentaire de notre atmosphèreatmosphère. Car nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre qu’il s’élimine naturellement.
Les modèles des chercheurs donnent un chiffre de 400 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2) supplémentaires à éliminer d’ici 2100. Supplémentaire parce que déjà, les trajectoires qui espèrent nous maintenir au plus près de 1,5 °C de réchauffement prévoient la nécessité d’éliminer 400 GtCO2. « Il se peut bien qu’il ne soit pas possible de compter sur l’élimination du CO2 de l’atmosphère pour compenser l’échec de la réduction de nos émissions », concluent les chercheurs.
Beaucoup trop de CO2 à éliminer
Ainsi, rien ne semble en mesure de garantir, compte tenu des contraintes politiques, économiques ou encore sociales, qu’après un overshoot, nous soyons effectivement capables de repasser sous la barre des 1,5 °C de réchauffement aussi rapidement que certains l’espèrent. « En matière de conséquences, le pic de réchauffement a son importance, mais la vitessevitesse à laquelle nous pourrons ensuite faire redescendre les températures est importante aussi », assurent les chercheurs. Car pour chaque 100 années passées au-dessus du seuil fixé par l’accord de Paris, le niveau de la mer, par exemple, pourrait monter de 40 centimètres supplémentaires. Or, cette vitesse dépend à la fois du niveau du pic et du niveau d’émissions négatives que nous pourrons mettre en œuvre. Comprenez, du niveau d’élimination de CO2 de notre atmosphère que nous serons en mesure de mobiliser une fois le zéro émission nette atteint.
De quoi mener les chercheurs à conclure, une fois de plus, qu’il y a urgence pour les gouvernements à agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre. « La course à la neutralité carboneneutralité carbone doit être considérée comme ce qu’elle est. » Une course… Si nous en sortons vainqueur, nous aurons gardé le pic des températures suffisamment bas – même si au-dessus des 1,5 °C – pour nous permettre d’espérer éliminer suffisamment de CO2 – à condition, là aussi, qu’un effort de déploiement rapide des capacités d’élimination soit réalisé – pour revenir rapidement à un climat qui minimise les risques pour les écosystèmesécosystèmes et pour notre société.