La menace d’une grippe aviaire africaine

Depuis deux ans, une souche virulente de grippe aviaire décime les élevages aux quatre coins du monde. Les nouvelles souches de grippe aviaire apparaissent habituellement en Asie. Mais une nouvelle étude avance que la maladie s’internationalise et pourrait émerger en Afrique, une région beaucoup moins surveillée, ce qui soulève des inquiétudes.

Depuis deux ans, une souche virulente de grippe aviaire décime les élevages aux quatre coins du monde. Les nouvelles souches de grippe aviaire apparaissent habituellement en Asie. Mais une nouvelle étude avance que la maladie s’internationalise et pourrait émerger en Afrique, une région beaucoup moins surveillée, ce qui soulève des inquiétudes.

L’épicentre mondial au Nigeria

« La Chine pourrait être remplacée par le Nigeria comme épicentre mondial de la grippe aviaire », affirme Vijaykrishna Dhanasekaran, épidémiologiste de l’Université de Hong Kong qui est l’auteur principal de l’étude publiée cet automne dans la revue PNAS.

Si cela survient, l’apparition de nouvelles souches de grippe aviaire hautement pathogènes deviendrait plus fréquente. Le risque de nouvelle pandémie humaine sera aussi plus élevé.

Vijaykrishna Dhanasekaran, épidémiologiste de l’Université de Hong Kong

Le principal problème du contrôle de la grippe aviaire au Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique est la nature radicalement différente des élevages de poulets dans la région. « Il s’agit de plus petites fermes, moins industrialisées, donc moins susceptibles de suivre des protocoles sanitaires comme en Chine et dans les pays riches. Il y a moins de surveillance, moins de contrôle de la propagation des infections entre élevages et avec les travailleurs. On a aussi vu récemment, avec des éclosions en Égypte, qu’il est difficile pour les autorités de faire abattre tous les oiseaux d’un élevage pour stopper la progression d’une souche. Il y a moins d’argent pour offrir des indemnités aux producteurs, et ces derniers sont moins solides financièrement. »

PHOTO MADS CLAUS RASMUSSEN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Aux prises avec une épidémie de grippe aviaire, les autorités danoises ont abattu des dizaines de milliers de volailles en 2022, dont 60 000 dindes d’une ferme de l’île de Zélande, dans l’est du pays.

Face à ces défis, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) fournit du soutien à des pays africains pour la surveillance de la grippe aviaire, indique Yohannes Berhane, épidémiologiste au laboratoire national de l’ACIA à Winnipeg. « Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas vu de changement dans les échantillons des pays africains que nous soutenons, mais ça ne veut pas dire que ça n’arrivera pas. »

Le H5N1 au Canada

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

À la mi-décembre, 78 élevages de volailles étaient touchés au Canada, dont 3 au Québec.

La souche hautement pathogène de H5N1 qui frappe actuellement le monde entier – à l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande – est apparue en Chine en 1996.

À la mi-décembre, 78 élevages étaient touchés au pays, dont 3 au Québec. En tout, 332 élevages ont été touchés depuis deux ans, provoquant la mort de 10,7 millions d’oiseaux, soit par maladie, soit par euthanasie dans le cadre de mesures de contrôle.

Il y avait aussi eu au Canada des souches hautement pathogènes de H7N3 il y a 20 ans, mais qui avaient touché peu d’élevages, dans l’ouest du pays, ainsi que des éclosions aussi limitées, dans la même région, d’un mélange de souches hautement pathogènes de H5N2 et de H5N8.

Les marais pour dépister les nouvelles souches

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Les marais fréquentés par les oiseaux sauvages, comme ce héron vert, constituent un « réservoir » à virus.

La surveillance de nouvelles souches de la grippe aviaire pourrait être facilitée par une technologie mise au point à la Commission géologique des États-Unis (USGS), chargée de ce dossier chez nos voisins du Sud. Il s’agit de la détection de la grippe aviaire dans l’eau des marais que fréquentent les oiseaux sauvages qui constituent les « réservoirs » des virus.

« Nous sommes capables de déterminer si un virus présent dans l’eau est transmissible et viable », dit Laura Hubbard, hydrologiste de l’USGS au Wisconsin et auteure principale d’une étude sur cette technologie publiée en novembre dans la revue Environmental Science & Technology Letters. « Ça prend beaucoup moins de main-d’œuvre et de temps que de prendre des échantillons sur des oiseaux morts ou vivants. »

PHOTO TIRÉE DU COMPTE X DE LAURA HUBBARD

Laura Hubbard, hydrologiste de l’USGS au Wisconsin

La technologie de détection dans l’eau va rendre possible la surveillance étendue en Asie et en Afrique.

Laura Hubbard, hydrologiste de l’USGS au Wisconsin

La détection chez les animaux morts et vivants demeurera nécessaire si une nouvelle souche de grippe aviaire hautement pathogène est découverte, note Mme Hubbard.

PHOTO DIEGO VARA, ARCHIVES REUTERS

Biologiste marin pratiquant une nécropsie sur un marsouin retrouvé mort sur une plage de São José do Norte, dans l’État du Rio Grande do Sul, alors que le Brésil est frappé par une épidémie de grippe aviaire, le 21 novembre

Manon Racicot, vétérinaire épidémiologiste à l’ACIA, rapporte des contaminations possibles d’oiseaux par l’entremise de plans d’eau en Ontario et en Colombie-Britannique. « Il y a une ferme qui aurait peut-être été infectée par des oiseaux sauvages ayant fréquenté un étang non loin, dit la Dre Racicot. Nous allons prendre des échantillons pour comprendre si l’étang peut être une source d’introduction importante. »

La détection de matériel génétique dans l’eau est de plus en plus utilisée par les biologistes pour faciliter les décomptes. Un chercheur de l’Université Laval, Louis Bernatchez, mort à 63 ans en septembre dernier, était une sommité mondiale du calcul des populations de poissons par l’analyse de l’ADN dans les lacs.

Les anticorps des eiders

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Des eiders à duvet ont développé des anticorps contre la grippe aviaire H5N1.

La souche hautement pathogène de la grippe aviaire H5N1 qui est arrivée en Amérique du Nord fin 2021 devient moins grave pour les oiseaux sauvages au fil des années. « La moitié des eiders à duvet que nous avons échantillonnés avaient des anticorps pour cette souche », dit Matthieu Beaumont, qui travaille à la détection chez les oiseaux vivants et morts au ministère fédéral de l’Environnement. « Ça veut dire qu’ils avaient été infectés et ont guéri. On pense même que les anticorps peuvent être transmis aux jeunes par les œufs. »

Le H5N1 hautement pathogène « semble s’être recombiné avec nos virus faiblement pathogènes », dit la Dre Racicot. « En 2022, il y a eu de grandes mortalités, par exemple dans les fous de Bassan en Gaspésie. Là, en 2023, la mortalité a grandement diminué parce que les espèces ont développé des anticorps pour cette nouvelle maladie. »

Surveillance

Depuis la fin de 2021, le H5N1 hautement pathogène a été détecté chez 371 oiseaux sauvages au Canada. « On fait de la détection chez des oiseaux morts, et aussi chez des oiseaux vivants, dit M. Beaumont. On a notamment des oiseaux vivants par l’entremise des chasseurs. Les oiseaux qu’ils abattent sont considérés comme vivants. »

Le virus a été détecté chez 20 des 4380 oiseaux vivants analysés. À noter, il s’agit de détections de virus et non d’anticorps pour le virus, qui sont détectés par des analyses additionnelles plus rarement faites.

Le H5N1 hautement pathogène est arrivé au Canada à Terre-Neuve par des migrations au-dessus de l’Atlantique.

L’ACIA rapporte également une autre souche hautement pathogène, H5N5, qui est pour l’instant limitée à des oiseaux sauvages et à des mammifères dans les provinces atlantiques. « Les élevages ne sont pas touchés », dit la Dre Racicot.

 

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